Le milliardaire et la pizza

Publié le par foodconsulting.over-blog.com

A partir d'une anecdote politique - Donald Trump accueillant Sarah Palin à New York - le chroniqueur Jon Stewart fait inconsciemment une brillante démonstration de l'identité new-yorkaise.
"We are a bit of a pizza Mecca !"  proclame-t-il en se moquant du choix de la pizzeria choisie par Donald Trump - appartenant à une compagnie albanaise somme toute quelconque - pour initier son invitée, Sarah Palin, aux us et coutumes de la Big Apple. Jon Stewart se transforme alors spontanément en critique gastronomique, énumérant les meilleurs endroits possibles où le millardaire et la femme politique auraient pu goûter la "vraie" "great NY pizza". 

Mais son deuxième point d'attaque, révélateur, est sur la façon inadéquate, à ses yeux, dont le milliardaire mange  sa  pizza. Un gros plan sur son assiette montre, en effet, Donald Trump, la pizza repliée à la façon d'un tacos, en train de la découper avec un couteau et une fourchette : horreur, rires, consternation... contre "l'impie", le "sauvage", qui ne sait pas manger correctement la pizza new-yorkaise, qui ne partage pas le code d'usage en utilisant "la forchetta satanica" (en italien dans le sketch), comportement ironiquement présenté comme un tour du diable "el tour del diablo" (dans un sabir franco-espagnol)...
Révélatrice encore, la chute du réquisitoire qui se termine en remettant en cause le lieu de naissance du milliardaire : "You know what ? I want to see your birth certificate. I don't even think you were born in NY..."
Pour conclure, Jon Stewart, en très grande forme, fait une démonstration de comment un "real new-yorker" doit manger sa pizza : en pliant d'un geste auguste la partie large du triangle pointu pour mieux la saisir d'une main et l'introduire promptement dans sa bouche, sans aide d'aucun autre ustensile...
 
Ce morceau d'anthologie télévisuel, outre sa virtuosité, inspire plusieurs réflexions : 
- Face à un étranger, la nourriture est le premier vecteur de présentation de son identité.
- Sur les "manières de table", "Vérité au-deçà des Pyrénées, erreur au- delà"... ou comment chaque manière de table, même semblant inexistante (la préhension de la pizza est sa façon une manière de table), est culturelle.
- La pizza, cette galette de pâte à pain qui fait figure d'assiette comestible où chacun peut mettre à peu près tout ce qu'il veut, est ici vécu et présenté comme le symbole d'un melting pot réussi à la New Yorkaise. Réalité ou fiction ?
- Grâce à la liberté d'interprétations culinaires, quasi universelles, la pizza est un symbole d'intégration politique.
 - La revendication de ces "non manières de table", révélatrice de la puissance du marqueur identitaire culinaire, est vécu et revendiqué ici comme primaire, essentiel, sauvage mais fédérateur, à l'image des "non manières de table" "cool" véhiculées et revendiquées par Mac Donalds dans le monde entier.   
- Où l'on comprendra, a contrario, pourquoi le repas gastronomique américain n'a pas été inscrit au patrimoine immatériel de l'unesco...
Regardez cette vidéo, en plus d'être édifiante, elle est hilarante ! Un vrai morceau d'anthologie...
   
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